 Chaque année, nous découvrons des
prototypes de jeux qui n'ont jamais été commercialisés. Il y a
trente-cinq ans, j'ai eu en main la disquette d'une application qui n'a
pas encore été retrouvée…
|
Une des rares photos de
Mordor.
|
Taptexte et son développeur
Cette
application, c'est
Taptexte, un logiciel d'apprentissage à la dactylographie dédié aux
ordinateurs Atari 8 bits (400, 800, 600XL et 800XL). Comment me suis-je
retrouvé avec la diskette de Taptexte dans les mains, c'est le
l'histoire que je vais vous relater… Étant
enfant j'ai eu une console Atari VCS de première
génération puis, dès que j'ai découvert la
micro-informatique, la
programmation est devenue ma principale préoccupation. Mes débuts en
développement
sur cette machine m'ont amené à
faire quelques belles rencontres. L'une d'elles est celle d'un
développeur qui avait œuvré pour Atari
France et que, pour respecter
l'anonymat, j'appellerai dans ce récit : Mordor.
|
 |
L'entrée du BHV du centre
commercial de Parly 2. Quelques mètres plus loin se trouvait
un alignement d'ordinateurs affichant le fameux « Ready ».
|
La rencontre
Mordor
et moi avions le même âge et habitions tous deux la ville du Chesnay.
Notre première rencontre se produisit au rayon
micro-informatique du BHV, au centre commercial Parly 2,
devant un
ordinateur en démonstration de marque Atari : un 800 XL. Mes parents
n'ayant pas les moyens de m'offrir cette machine de rêve, c'est là que
je me rendais tous les jours après l'école pour m'adonner aux joies
de la programmation en basic. Par voie de
conséquence, c'était donc là que se produisait mes meilleurs
rencontres. Un après midi, alors que je terminais la programmation d'un
Space Invaders
en mode texte dont je manipulais le canon à coup de touches Q et W,
j'entendis une voix nonchalante derrière mon épaule « C'est
pas mal ».
Je me retournai pour découvrir un ado un peu plus grand que moi, à la
coiffure blonde et soignée, et dont l'assurance de soi ne faisait
aucun doute.
|
 |
Spy vs Spy sur Atari 8
bits,
un des premiers jeux à écran splitté
M.U.L.E. sur Atari 8 bits,
un des premiers jeux multijoueur
et ancêtre des jeux de simulation économique dont émergera
bien plus tard la série Sim City.
|
Une passion commune
La
discussion qui s'ensuivit fut pour moi d'une nature nouvelle : je
partageais ma passion avec quelqu'un qui me comprenait : nous
portions
un intérêt commun pour la programmation sur Atari. Notre premier
contact se conclut par un
échange de téléphones. Nous commençames donc à nous
fréquenter et nous voyions chez
l'un ou chez l'autre pour causer programmation et jeux. finalement, nos
rencontres ne se produisirent plus que chez lui, car son studio
d'étudiant était mieux adapté que le salon de mes parents au milieu
duquel
trônait le seul écran
de la maison : la télévision
familiale. Mordor me fit
comprendre l'intérêt du langage
machine, dont il me fit une impressionnante démonstration, révélant que
celui-ci allait environ 200 fois plus vite que le Basic. C'est
également chez lui que je découvris des gameplays particulièrement
originaux,
tels Spy vs Spy
ou
M.U.L.E.
(ce dernier est encore aujourd'hui mon jeu préféré sur Atari 8 bits, ce
qui est aussi le cas d'Alexey Pajitnov !)
|
 |
L'Atari ST.
|
Un projet doublement avorté
Un
jour où j'étais chez Mordor, il m'apprit qu'il était entré en
relation avec Atari
France et que ceux-ci l'avaient chargé de
développer un outil d'apprentissage de dactylographie, nommé
Tap'texte. L'application était plutôt bien réalisée : on
voyait une représentation du clavier (dont la touche à frapper
clignotante), ainsi que les
deux mains, avec un doigt clignotant indiquant ce qu'il convenait de
faire. Suite à la fin de la commercialisation de la gamme
XL/XE, le projet avait finalement été abandonné et Atari France avait
alors chargé Mordor d'en faire un portage sur Atari ST. Mais
je crois me souvenir que cette autre version a finalement connu le même
sort.
|
 |
L'Atari 800 XL, avec son
lecteur K7
et le lecteur disquette 1050
|
La fin d'une relation
À
ce moment, Mordor a commencé à délaisser son 800 XL pour se concentrer
sur l'Atari ST et m'a gracieusement cédé son lecteur de disquette, ce
qui a donné des ailes à mes projets :
cette nouvelle acquisition me boosta à bloc et je me mis à développer
jeux sur jeux. Cette période, durant laquelle
Mordor passa au ST alors que je poursuivais ma route avec le
XL, a marqué la fin de notre relation. J'ignore ce qu'est devenu son
portage de Tap'texte sur Atari ST et je ne sais pas aujoud'hui ce
qu'est devenu Mordor. Mais j'ai une pensée reconnaissante à son égard
pour ce qu'il m'a transmis et pour l'élargissement des possibilités en
programmation dont j'ai bénéficié à son contact.
|
 |
Tap'texte pour Atari 2600.
Cette vision est assez fidèle à
la version
originale sur Atari 800 XL,
et tient compte des contraintes techniques de l'Atari VCS
(voir
explications ci-contre).
|
Taptexte sur Atari VCS !
Pour
vous donner une idée de ce à quoi ressemblait Tap'texte, j'en ai fait
une
représentation de mémoire. Étant donné que le souvenir qui m'en reste
est assez vague, je me suis dit que je ne m'éloignerai pas beaucoup
plus de l'original en le portant sur Atari 2600.
À
l'attention des programmeurs
Bien entendu,
tenant compte des contraintes techniques de l'Atari 2600, le titre
est réalisé en Playfield, le clavier est composé par les deux Players
(répétés avec flickering), les mains sont en Playfield (avec un doigt
cligottant en missile) et enfin tout en bas, le mot saisi par
l'utilisateur, s'affiche en scrolling grâce aux deux players.
|
|
 |
|
J'ai retrouvé Taptexte !
Environ
trois ans an après avoir publié cet article (originellement écrit en
octobre 2019), je me suis mis en quête de Taptexte dans mes diquettes,
car je me souvenais que Mordor m'en avait laissé une copie. Après avoir
méticuleusement fouillé dans mes trois
boites de disquettes, je suis parvenu à en extraire l'unique version
dont je disposais, mais celle-ci posait un problème de chargement
puisque seuls les premiers secteurs se chargeaient avant de planter.
Sachant qu'Atarimania en cherchait une version, j'ai offert ma diquette
à Bertrand et Franck en me disant qu'ils disposeraient certainement de
techniques avancées pour récupérer l'essentiel des données. Par
bonheur, Bertrand a pu copier l'intégralité de la disquette sans aucun
souci, et Taptexte
est désormais disponible en téléchargement sur le site
d'Atarimania.
|
|
|
|