Tod R. Frye (né en 1955) est un programmeur américain qui a été employé chez Atari. Bien qu'il ait travaillé sur divers projets tels le Breakout portatif, la version Atari 8 bit d'Asteroids, la série Swordquest et trois prototypes sur 2600 (Save Mary, Shooting Arcade et Xevious), il est surtout connu pour sa version de Pac-Man sur Atari VCS. Souvent critiqué, ce portage a pourtant fait un carton, a contribué aux ventes de la console et a fait l'objet d'un concours international en 1982. Avec le recul dont nous disposons aujourd'hui, comment devons-nous considérer ce jeu ?

Sans conteste, on peut reprocher un certain nombre de choses à ce Pac-Man. Ce qui saute d'abord aux yeux, c'est le labyrinthe, qui n'est ni bleu, ni fidèle à la structure de celui de la version arcade. Ensuite, les fantômes ont tous la même couleur et clignotent horriblement (effet reproduit ci-contre, par atténuation de la présence des sprites). Enfin, le gameplay comprend de nombreuses différences en comparaison avec la version originale : la détection du contact entre Pac-Man et les fantômes, la stratégie de déplacement de ces derniers, la fréquence d'apparition des fruits (qui sont remplacés par une unique vitamine)... À ces principaux défauts, viennent s'ajouter moult détails supplémentaires : habillage sonore pauvre, absence des intermèdes, un Pac-Man lent et tout blanc (dans la version Sécam), etc. D'ailleurs, entre 1982 et 1984, une dizaines de magazines américains spécialisés n'ont pas manqué de relever ces défauts. Bref, un joueur habitué au Pac-Man Arcade a de bonnes raisons d'être déçu lorsqu'il découvre la version 2600. À cela s'ajoute le fait qu'Atari a produit 12 millions de cartouches mais n'en a vendu que 8, ce qui fait quand même 4 millions d'invendus... Tout cela sonne comme un flop.

Remis dans son contexte d'époque, la réalité est tout de même moins sombre. Souvenons-nous qu'en 1982, date de la sortie de ce jeu sur 2600, il n'existait pas d'adaptation de Pac-Man sur les deux autres consoles du moment et que les seuls titres s'en approchant vaguement sur ces systèmes étaient Lock'n'Chase (Intellivision) et Gloutons et Voraces (Videopac). Quant aux consoles dédiées (de première génération) aucune n'a disposé de jeux de labyrinthe. La version 2600 était donc la meilleure, sinon la seule alternative pour jouer à Pac-Man à la maison, et elle pouvait se vanter d'avoir été réalisée sous licence officielle de Namco. Bien que le graphisme et le gameplay, n'adhèrent pas à l'original, cette adaptation est tout à fait jouable, le challenge est bien présent et ceux qui ne connaissaient pas la version arcade n'avaient pas de critère de comparaison. En clair, le Pac-Man 2600 est un vrai jeu de scoring digne de ce nom. De plus, il offre huit variantes de difficulté pour s'adapter au niveau de chaque joueurs. En ce qui concerne les ventes, même si 4 millions d'invendus sont restés sur les bras d'Atari, le jeu s'est tout de même écoulé à 8 millions d'exemplaires ce qui en fait le jeu le plus vendu sur Atari 2600 (pour un chiffre de ventes d'environ 300 millions de $). Et à ceux qui pensent que le jeu s'est vendu, mais serait resté inutilisé, il n'y a qu'à constater les traces d'usure que l'on observe sur la plupart des cartouches en vente sur Internet pour se rendre compte que ce jeu a vraiment fait le bonheur des possesseurs de l'Atari VCS en 1982.

On peut tout de même se demander pourquoi l'auteur de cette adaptation n'a pas cherché à adhérer plus fidèlement à la version originale. Bien entendu, les contraintes techniques viennent en premier lieu : L'Atari 2600 a un mode graphique de faible résolution (40 colonnes), des cartouches de faible capacités (4 Ko - et non 2 Ko comme le prétendent certains articles) et une mémoire vive très restreinte (128 octets). À cela s'ajoute le fait que Tod Frye a fait le choix de permettre un mode à deux joueurs, ce qui fait que le labyrinthe des deux participants doit être mémorisé, réduisant alors la mémoire vive de moitié. C'est peut-être en effet une erreur stratégique, car sans cela, on sait qu'il aurait été possible de disposer du vrai labyrinthe, tel qu'Ébivision l'avait démontré avec son Pac-Man, et tel que d'autres l'ont confirmé en réalisant des hacks plus poussés dont une version de 8K à couper le souffle. Concernant le clignotement des fantômes, il faut tout de même dire que c'était la seule astuce que l'on connaissait à l'époque pour multiplier les sprites, sachant que la console n'en dispose que de deux : l'un pour afficher Pac-Man et l'autre pour les quatre fantômes. Pour avoir plus de sprites, certains jeux utiliseront la technique du flickering sélectif (Ms Pac-Man, Dig Dug, etc.), mais celle-ci n'avait malheureusement pas encore été mise au point en 1982 et le Pac-Man de Tod Frye n'a donc pas pu en bénéficier.

Les griefs contre le Pac-Man sur Atari 2600 se comprennent tout à fait et il est vrai que tous les enfants de 1982 auraient préféré une version plus fidèle. Mais ce portage a tout de même comblé un manque à l'époque en permettant à la planète entière de jouer à Pac-Man à la maison... et il permet encore aujourd'hui de s'amuser avec un jeu qui a l'avantage sur la version arcade d'avoir un look particulièrement rétro, chose  à laquelle les amoureux de l'histoire des jeux vidéo sont toujours restés sensibles.

La page wikipédia dédiée à la version 2600
La page Wikipédia dédiée à Pac-Man
Pac-Man Ébivision (compatible Starpath)
Pac-Man 4K sur AtariAge
Pac-Man 8K sur AtariAge : le meilleur Pac-Man